Bertrand K
● Après un an et demi d’interruption, qu’est-ce qui vous a inspiré à ramener Harmonic Soul Band et à enregistrer « Live From Rehearsal » ?
Greg Owens
● En fait, c’est arrivé comme ça, comme par magie. L’été dernier, une autre artiste de Columbus, dans l’Ohio, Chrissy T, avec qui j’ai collaboré à la production de son EP Metamorphosis, m’a demandé de réunir des musiciens pour un concert au Columbus Arts Fest. J’ai donc appelé deux amis musiciens que je connaissais et qui faisaient partie d’Harmonic Soul avant notre pause. Un jour, Chrissy m’a envoyé un texto pour me demander si le groupe devait s’appeler Harmonic Soul. J’ai hésité un instant, pensant que ce serait du passé. Alors j’ai répondu : « Oh oui !» Pour l’enregistrement, on m’a demandé de jouer à l’un des festivals d’été de ma ville, « Juneteenth on The Ave ». J’avais pratiquement réuni tous les musiciens qui étaient membres principaux ou qui avaient déjà joué avec nous. J’avais initialement enregistré la répétition pour que les musiciens puissent écouter le playback avant notre prestation. Mais le playback était tellement bon que j’ai pensé qu’il fallait le faire écouter à plus de gens.
Bertrand K
● Le projet est né de la préparation d’un concert à Juneteenth. Comment ce contexte a-t-il façonné l’énergie et l’esprit de l’enregistrement ?
Greg Owens
● Honnêtement, cela lui a simplement donné un sens et un objectif plus profonds, surtout avec notre retour. Juneteenth est synonyme de liberté, de résilience et de célébration de la culture noire. À bien des égards, nous portions la même énergie. Il ne s’agissait pas seulement de jouer et de jouer de la musique, mais de créer quelque chose qui puisse élever, célébrer et refléter notre histoire tout en faisant évoluer notre son. En tant que groupe, nous sommes déjà connus pour notre énergie et la liberté que nous ressentons lorsque nous jouons ensemble. Alors que je pensais que le groupe ne serait qu’un feu de paille, cette résurrection marque le début de quelque chose de nouveau.
Bertrand K
● Votre musique mélange funk, soul, hip-hop et improvisation. Comment parvenez-vous à équilibrer ces genres tout en conservant un son unique ?
Greg Owens
● Chacun de ces genres que vous avez mentionnés fait partie de mon ADN musical. Je ne les force pas à se mélanger, je les laisse se rencontrer naturellement. L’équilibre vient du respect des racines tout en les filtrant à travers ma propre perspective d’artiste de l’Ohio. Le funk et la soul me donnent le groove, le hip-hop me donne la narration et le rythme. Je ne cours pas après les tendances et n’essaie pas de copier le passé. Je construis simplement quelque chose de nouveau à partir de toutes ces influences. J’appelle cela « soul éclectique », un autre terme pour désigner le mélange des genres.
Bertrand K
● Vous avez failli dissoudre Harmonic Soul fin 2023. Qu’est-ce qui vous a poussé à reconstruire le groupe plutôt que de le laisser partir ?
Greg Owens
● Fin 2023, j’étais épuisé. Le groupe avait connu des changements et j’avais l’impression qu’il avait peut-être fait son temps. Mais en vérité, Harmonic Soul n’a jamais été qu’un simple groupe : c’était une vision de communauté, de collaboration et de création de quelque chose de plus grand que moi. Je savais que notre musique avait trop de potentiel pour disparaître. Ce qui m’a vraiment décidé à reconstruire, c’est cette étincelle que je ressentais lorsque nous jouions ensemble : l’alchimie, le potentiel. J’ai compris qu’il ne s’agissait pas de conserver la version passée d’Harmonic Soul, mais de la réimaginer pour l’avenir. Et une fois que j’ai compris cela, les bonnes personnes et la bonne énergie ont recommencé à se réunir.
Bertrand K
● Harmonic Soul a partagé la scène avec Boyz II Men, P.J. Morton et Pleasure P. Quelles leçons ou inspirations avez-vous tirées de ces expériences ?
Greg Owens
● Partager la scène avec des artistes comme Boyz II Men, P.J. Morton et Pleasure P a été à la fois une leçon d’humilité et une source de motivation. Ce que j’ai le plus retenu, c’est le professionnalisme et l’intentionnalité qu’ils apportent à chaque performance. Avec Boyz II Men, on découvre à quel point la musique peut être intemporelle lorsqu’on y met de l’âme et de la précision. Avec P.J. Morton, c’est l’authenticité qui prime : comment il mélange gospel, soul et pop tout en restant fidèle à lui-même. Et avec Pleasure P, cela m’a rappelé le pouvoir de la connexion avec le public sur le moment. Chacun d’entre eux, à sa manière, a démontré que la longévité repose sur la constance, la passion et le fait de ne jamais perdre de vue les raisons qui ont motivé nos débuts dans la musique. Enfin, cela a démontré que nous étions sur la même scène que ces artistes.
Bertrand K
● Live From Rehearsal » est brut et sans filtre. Pourquoi était-il important pour vous de capturer cette authenticité plutôt que de la peaufiner en studio ?
Greg Owens
● Dès le début, je voulais que « Live From Rehearsal » capture exactement l’émotion que nous ressentions ensemble dans la salle : sans filtre, sans peaufinage, juste nous, musiciens, dans l’instant présent. Il y a une certaine magie qui se produit lorsqu’un groupe est concentré et se nourrit de l’énergie de l’autre, et parfois le processus en studio peut atténuer ces imperfections au point de perdre cette étincelle. Pour moi, l’authenticité était primordiale. Je voulais que les gens aient l’impression d’être assis avec nous dans la salle de répétition, à écouter le processus, les rires, l’improvisation : toute cette brutalité qui rend la musique live si puissante. C’est l’essence même d’Harmonic Soul.
Bertrand K
● En tant que producteur et interprète, comment conciliez-vous votre vision créative avec l’énergie collaborative du groupe ?
Greg Owens
● En tant que producteur, j’arrive généralement avec une vision du son, des arrangements et de la direction générale. Mais en tant qu’interprète et leader, je sais aussi que la magie opère lorsque je laisse la place à la voix de chacun. L’équilibre vient de la confiance que je porte aux musiciens qui m’entourent. Je pose le cadre, mais je les encourage à y apporter leurs propres idées, textures et énergie. C’est cet effort collaboratif qui rend Harmonic Soul unique : la vision est la mienne, mais l’exécution nous appartient. Lorsque chacun contribue, la musique devient plus grande que ce que chacun d’entre nous pourrait créer seul.
Bertrand K
● La communauté musicale de Columbus est décrite comme résiliente et dynamique. Comment votre ville natale a-t-elle façonné votre art et votre carrière ?
Greg Owens
● Columbus a été tout pour mon art. C’est une ville qui n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur, mais le talent y est indéniable. Être dans cette communauté m’a appris la résilience – car il faut redoubler d’efforts pour se faire entendre – et m’a aussi donné l’espace nécessaire pour expérimenter sans crainte. Le funk et la soul sont ancrés dans l’ADN de l’Ohio, et la culture hip-hop y est également profondément ancrée, c’est pourquoi je m’y appuie naturellement. Parallèlement, Columbus m’a façonné et m’a permis de tracer ma propre voie. Le soutien, le travail acharné et les leçons apprises ici ont fait de moi l’artiste que je suis aujourd’hui. De nombreux musiciens et créateurs m’inspirent depuis mon plus jeune âge. C’est incroyable d’avoir pu voir tant de choses formidables autour de moi.
Bertrand K
● Votre prochain projet, « The GLO Album » (prévu pour 2026), est très attendu. À quoi les auditeurs peuvent-ils s’attendre de ce nouveau chapitre de votre musique ?
Greg Owens
● « The GLO Album » sera le plus grand pas en avant que j’ai fait en tant qu’artiste. On me connaît pour mon mélange d’instruments live, de soul et de hip-hop, mais ce projet va plus loin : c’est la rencontre des racines funk de l’Ohio et du rap moderne, du jazz, du R&B et bien plus encore. Riche en samples, il est enrichi de musiciens live, ce qui lui confère une touche à la fois nostalgique et inédite. Chaque morceau est construit pour se suffire à lui-même, sans interruption ni remplissage. Attendez-vous à une grande polyvalence : certains morceaux percutants comme un hymne, d’autres plus lents et narratifs, et même des morceaux plus posse qui mettent en valeur le talent de l’Ohio. Plus que tout, cet album est une célébration de l’art, de la résilience et de l’héritage de mes origines. Si Live From Rehearsal montrait le côté brut, The GLO Album en serait la vision pleinement réalisée.
Bertrand K
● En repensant à votre parcours, de vos débuts en tant que producteur adolescent à votre nomination aux Grammy Awards, quels conseils donneriez-vous aux jeunes musiciens de Columbus et d’ailleurs ?
Greg Owens
● Avec le recul, le plus grand conseil que je donnerais aux jeunes musiciens est de s’approprier leur art et de rester polyvalents. Commencez tôt, expérimentez tout : production, performance, écriture ; et n’ayez pas peur de faire des erreurs. Columbus, comme n’importe quelle ville en fait, regorge de talents, mais ce qui distingue les artistes, c’est le dévouement, la discipline et l’authenticité. Construisez des fondations qui vous permettent de vous épanouir, pas seulement d’être sous les projecteurs, car le travail que vous fournissez aujourd’hui portera ses fruits d’une manière que vous n’imaginez même pas. Enfin, collaborez, apprenez des autres, mais gardez toujours votre propre voix : ne laissez pas les tendances ou les opinions définir qui vous êtes en tant qu’artiste.
Bertrand K
● Merci Greg Owens de m’avoir accordé cet entretien.